Dans l’affirmative, il incombera alors à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Un procès relatif à du harcèlement moral fonctionne donc en deux temps :
- Le salarié doit apporter suffisamment d’éléments laissant présumer l’existence d’un harcèlement moral
- S’il y parvient, il appartient ensuite à l’employeur de rapporter les éléments démontrant que ses agissements sont étrangers à tout harcèlement
Dans des faits repris dans un arrêt rendu par Cour d’appel de Bourges le 28 août 2020 (Cour d'appel de Bourges, Chambre sociale, 28 août 2020, n° 19/00529), une salariée d’une entreprise d’ambulance avait saisi le conseil de prud’hommes pour reprocher à son employeur des faits de harcèlement moral, qui avait entrainé son licenciement pour inaptitude.
Elle reprochait à son employeur :
- Le comportement des anciens gérants de l’entreprise et notamment leur « gestion calamiteuse du management »
- Le retrait de la « plupart », voire la « quasi-totalité » de ses attributions dès l’arrivée d’une nouvelle gérante dans l’entreprise.
- Une « mise au placard » de la part de son employeur
- Le manquement de son employeur à l’obligation d’adaptation à son poste de travail en ce qu’il ne lui aurait pas permis de se former au nouveau logiciel de gestion informatique.
- De lui avoir fait part de sa volonté de ne pas la conserver dans les effectifs de l’entreprise, devant les autres salariés
Pour cela, la salariée versait notamment plusieurs attestations de collègues et de clients de l’entreprise.
Il est intéressant de noter que le conseil de prud’hommes a jugé que certains griefs reprochés à l’employeur étaient présumés établis sur la seule base de témoignages, et en écarter d’autres malgré la présence de témoignages.
Comment expliquer cette différence ?
La démonstration d’un harcèlement moral relève de la quantité des témoignages appuyant les dires du salarié, mais surtout de leur qualité !
Un témoignage extrêmement précis dans les évènements, les dates, les individus concernés aura bien plus de force probante que 10 témoignages vagues, imprécis et impersonnels.
Il n’est pas rare de lire des attestations inutilisables, faute de toute précision.
Exemple de témoignages inutilisable :
« J’atteste que Mr/Mme X a régulièrement été victime de harcèlement dans l’entreprise, qui n’a jamais rien fait pour elle »
Ou encore,
« J’atteste avoir souvent vu Mr/Mme X être mal à cause du comportement de certaines personnes dans l’entreprise qui l’ont harcelé. »
Ce type d’imprécision a été repris dans l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Bourges :
« Elle verse ainsi aux débats l’attestation de M. F qui déclare que « Mme A a mis au rebus Mme X ». M. F AL toutefois cette remarque au fait que Mme A ait repris la gestion des appels téléphoniques et du planning. Il ne donne aucune indication ni sur le bureau occupé par Mme X, ni sur ses liens ou son absence de liens avec ses collègues et les clients passant au sein des bureaux de l’entreprise. L’appelante n’apporte par ailleurs aucun élément permettant d’étayer l’affirmation selon laquelle elle serait restée seule dans les anciens locaux de la société. » (Cour d'appel de Bourges, Chambre sociale, 28 août 2020, n° 19/00529)
A l’inverse, quand les témoignages sont précis, la Cour a considéré que les faits étaient constitués :
« Elle produit ainsi le témoignage de M. G, présent lors de la dite réunion, lequel atteste avoir entendu Mme A lui dire : « de toute façon, je ne voulais pas te reprendre au sein de l’entreprise, je n’ai fait que du social car à 60 ans tu n’aurais pas retrouvé du travail ».
Ce témoignage est corroboré par celui de Mme U J, ambulancière, laquelle indique que, deux jours après la signature de l’acte de vente, alors qu’elle passait au bureau de l’entreprise, Mme A lui aurait tenu des propos similaires sur Mme H, affirmant : " j’ai voulu la garder alors que j’en avais pas besoin, j’aurai[s] peut-être pas d[û], j’ai voulu être gentille car [au] vu de son âge je n'[ai] pas voulu qu’elle soit au chômage, tant pis pour moi, je vais peut-être le regretter, mais trop tard, c’est comme [ça] ". » (Cour d'appel de Bourges, Chambre sociale, 28 août 2020, n° 19/00529)
Si les témoignages peuvent être des preuves essentielles, les documents (emails, SMS, courriers etc.) émanant ou adressés à l’employeur sont des preuves rares mais importantes.
Enfin, si les certificats/courriers médicaux sont essentiels car constituant la preuve de la dégradation de l’état de santé à un moment donné, ils ne constituent pas la preuve d’agissements de harcèlement moral par l’employeur.
Un avocat spécialisé en droit du travail permet d’aider et d’accompagner le salarié dans la démonstration des faits de harcèlement subis.
Maître Romain DURIEU, avocat au barreau de Lille, exerce en droit du travail sur tout le territoire français.