Le mensonge est une notion qu’on retrouve régulièrement en matière de moralité, mais plus rarement en droit, et encore plus rarement en droit du travail.

Pourtant, la Cour de cassation par un arrêt remarqué, promis à une large publication, vient pour la première fois, de sanctionner un salarié d’avoir menti sur la raison de sa demande de rupture conventionnelle.

Dans les faits, un salarié avait sollicité le bénéfice d’une rupture conventionnelle, motivée par une lassitude au niveau du travail, de son poste de commercial assez usant, d’un manque d’évolution possible au vu de la configuration de l’entreprise.

Il avait manifesté auprès de ses collègues qu’il n’avait pas de projet particulier mais une envie d’évoluer dans le management de personnel dans une entreprise, pas spécialement dans le milieu de l’automobile.

L’employeur acceptait alors de signer une rupture conventionnelle.

Néanmoins, ce dernier apprenait que ce salarié avait crée, avant son départ de l’entreprise, une entreprise concurrente à celle de son employeur avec deux anciens collègues.

L’employeur sollicitait alors la nullité de la rupture conventionnelle sur le terrain du dol, et plus particulièrement sur la rétention d’informations par omission.

Il est suivi par la cour d’appel de Toulouse, puis par la Cour de cassation, qui juge que le consentement de l’employeur a été vicié, dans la mesure où ce dernier « s'est déterminé au regard du seul souhait de reconversion professionnelle dans le management invoqué par le salarié » pour accorder la rupture conventionnelle.
Romain Durieu Avocat - Avocat en droit social, droit de la sécurité sociale & URSSAF

Nouveauté jurisprudentielle remettant en cause la stratégie de négociation de la rupture conventionnelle 

Cet arrêt devra amener les salariés, et surtout les cadres, à bien réfléchir leur stratégie pour négocier une rupture conventionnelle.

Généralement, deux hypothèses existent en matière de rupture conventionnelle.

Soit le salarié souhaite quitter l’entreprise qui l’emploie, pour des raisons inhérentes à ses conditions de travail, soit il décide de la quitter en raison de nouvelles perspectives professionnelles indépendantes de son poste actuel.

Le salarié devra désormais faire attention à ce que son discours soit en cohérence avec la réalité, sous peine de voir la rupture conventionnelle annulée.

Gros ou petit mensonge ?

Cet arrêt doit, selon moi, être relativisé sa portée et notamment sur la notion du « caractère déterminant » des informations mensongères ou volontairement dissimulées par le salarié.

Dans les faits, on peut imaginer que les juges ont sanctionné la création d’une activité concurrentielle directe par le salarié alors qu’il était toujours en poste et non le simple fait qu’il ait motivé sa demande de rupture conventionnelle par son souhait de reconversion professionnelle.

En effet, un salarié peut parfaitement changer d’avis et de perspective professionnelle après la signature d’une rupture conventionnelle.

L’antériorité de la création de la société concurrente par le salarié a, sans doute, été déterminante dans la réflexion du juge prud’homal.

L’impact de cette décision sur la levée des clauses de non-concurrence

Cette décision pourrait-elle également trouvé un écho sur la question de la levée de clause de non-concurrence ?

En effet, la tentation peut être grande pour un salarié d’indiquer à son employeur qu’il souhaite partir dans une toute nouvelle aventure professionnelle, dans l’espoir que son employeur décide de le libérer de sa clause de non-concurrence, pour s’économiser le versement de la contrepartie financière attachée à l’exécution de ladite clause.

A la différence de la rupture conventionnelle, la levée de la clause de non-concurrence ne constitue pas un contrat.

L’employeur pourrait toujours tenter de se placer sur un vice de consentement attaché à l’exécution du contrat de travail pour tenter de revenir en arrière et demandait l’application de la clause de non-concurrence.

L’exercice juridique parait toutefois plus laborieux, mais nul doute qu’il finira par arriver un jour devant les conseils de prud’hommes.