Le délégué du personnel transmettra ce courrier à son employeur, en émettant un avis critique à l’égard de la salarié lui ayant écrit.
Elle fera l’objet d’un licenciement pour faute grave sur la base du courrier adressé au délégué du personnel.
Le conseil de prud’hommes puis la cour d’appel de Douai jugera que ce licenciement est entaché de nullité, dans la mesure où la société a porté une atteinte injustifiée et disproportionnée à sa liberté d'expression, liberté fondamentale, exercée sans abus :
« Au terme de l'analyse des pièces versées aux débats, la cour déduit que Mme X s'est contentée de dénoncer des agissements de son supérieur hiérarchique de parfaite bonne foi et que tant au regard de la teneur des propos de son écrit du 25 novembre 2015, qui ne sont ni diffamatoires, ni injurieux, ni mensongers, ni excessifs, que de la publicité limitée qu'elle leur a conférés en les adressant au délégué du personnel, Mme X a exercé sa liberté d'expression sans en abuser » (Cour d'appel de Douai, Sociale a salle 3, 29 mai 2020, n° 17/02565)
Si cette motivation est classique, la motivation de la cour d’appel sur le comportement du délégué du personnel est intéressante en ce qu’elle lui reproche d’avoir transmis le courrier de la salariée licenciée sans vérifier les accusations indiquées dans ledit courrier
« La cour ajoute que s'il incombe légalement au délégué du personnel de saisir immédiatement l'employeur d'une atteinte injustifiée et disproportionnée aux droits des personnes dans l'entreprise, M. Z, le délégué du personnel, n'était pas censé remettre aussitôt à la direction le courrier que Mme X avait rédigé à son attention de délégué du personnel.
En effet, aux termes mêmes de la loi, il appartenait préalablement au délégué du personnel de constater lui-même préalablement la réalité de l'atteinte dont Mme X s'est prétendue victime. »
La cour vient donc indirectement sanctionner le comportement du délégué du personnel, ayant transmis le courrier de la salariée sans vérifier la réalité des faits énoncés.
La cour vient cependant souligner qu’il importait peu l’avis négatif du délégué du personnel sur le courrier de la salariée et d’une possible collusion avec la société :
« La cour précise que peu importe l'opinion du délégué du personnel sur les propos que Mme X a tenus et ceci indépendamment de l'existence, ou non, d'une collusion de sa part avec l'employeur. »
Cette décision est bienvenue dans la mesure où elle rassure le salarié souhaitant s’exprimer vis-à-vis de ses représentants du personnel (CSE, CHSTC, DP, CE), sans risque d’être licencié.
Maître Romain DURIEU est membre du cabinet EVO JURIS AVOCATS, avocats au barreau de Lille, et exerce en droit du travail et de la sécurité sociale.